
Lettre à nos amis
Lettre à nos amis - Le poète et son sentiment de la mort
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           Chaque numéro de L’Étrave s’ouvre sur un éditorial du président Vital Heurtebize :
« la Lettre à nos amis » traite d’un sujet d’actualité et de l’attitude du poète face à cette actualité.
Vous en découvrirez chaque fois la pertinence voire l’impertinence ! et pourrez faire part de vos sentiments en retour.
À L’Étrave, nous sommes très soucieux pour tout ce qui relève de la liberté d’expression.
                  " Le poète et son sentiment de la mort "                           par Vital Heurtebize, président de Poètes sans frontières
J’aborde cette question car que je suis souvent interrogé par grand nombre d’entre vous à l’occasion d’une maladie grave ou du décès d’un proche.
Et je dis : « La mort n’est pas la mort 
Elle n’est pas ce que l’on croit, elle n’est qu’un passage de l’existence à la vie.
Imaginons qu’un de nos enfants décide ou soit obligé de s’expatrier en des terres lointaines d’où il ne reviendra jamais et où il ne sera jamais possible de le rejoindr. Il part simplement parce qu’il va pouvoir là -bas s’épanouir, réussir son existence soit professionnellement soit affectivement…Empêcherons-nous cet enfant de s’en aller au seul motif que nous voulons le garder auprès de nous ? Certainement pas ! Nous n’allons pas contrarier sa destinée mais bien au contraire l’aider à l’accomplir, notre amour pour cet enfant nous poussera à l’encourager dans la réalisation de son projet. Et au moment du départ, nous irons même jusqu’à l’accompagner jusqu’au bout du quai, et nous lui dirons « adieu » avec notre plus beau sourire. Se plaindre, verser devant lui la moindre larme reviendrait à lui gâcher son départ alors qu’il tourne le dos à l’existence pour aller vers une vie nouvelle à laquelle il aspire.
Il en est exactement de même pour la mort. Le poète n’a-t-il pas dit : « partir, c’est mourir un peu » ?
Ce à quoi nous ajoutons, et je ne suis pas sûr que ce soit par pure plaisanterie : mourir, c’est partir beaucoup ! Et m’adressant à vous, amis poètes, je peux dire davantage : nous qui avons conscience qu’il existe un autre monde, nous savons bien que la mort n’est qu’un passage vers ce monde meilleur.
Renaître
Ce temps touche à sa fin...Voici que l'heure sonne
de décompter le temps que nous avons perdu...
La mort qui va frapper n'épargnera personne :
tous seront appelés, chacun selon son dû.
La mort, notre seul but ! Trop souvent tu l'oublies !
Vers elle nous allions par le même chemin,
à Mâtine les uns, les autres à Complies,
tous assurés d'un avenir sans lendemain...
Moi, j'ai vécu par Toi notre belle aventure,
sans voir les jours suivre les nuits et cependant,
le même amour de Toi brûle sous ma vêture,
de Toi que j’aime encore à Toi que j’aimais tant…
Et cet amour me dit que la mort ne peut être,
seule, une fin... qu'elle ne l'a jamais été
et ne le sera pas...qu’il me faudra renaître :
déjà flotte à ma bouche un goût d’éternité.
                                                                     VH.
Chaque fois que nous composons un poème, nous le faisons ce passage, ne passons-nous pas par une « petite mort » ? Nous nous arrachons aux ténèbres dont nous ne nous sommes jamais libérés pleinement et nous accédons enfin à ce monde de lumière qui nous attend tous. C'est Goethe, je crois, qui au moment de mourir prononça ces dernières paroles : « Enfin la lumière ! »
La Lumière ! Nous en parlons tous ! Certes, nous avons pris conscience de sa présence en nous, du moins en percevons-nous sa lueur ! Nous l’approchons chaque fois que nous composons un poème, peut-être même la faisons-nous grandir chaque fois un peu (mais si peu !) par ce poème qui est pour nous une échappée de l’existence vers la vie.
(…)    « ajout à la lettre de Vital » : extrait d’un de ses poèmes :
Cette lumière est-elle blanche ? je l'ignore !
je parle à l'infini ma langue de nabot
Est-elle vive ? elle est je crois bien plus encore !
pour le dire, hélas, je n'ai pas d'autre mot
Mais je sais qu'elle est là , pour moi, sans aucun doute,
elle franchit d'un trait les mondes inouïs,
elle trace pour moi, dans l'univers, ma route
vers l'Ultime qui s'ouvre à mes yeux éblouis.
C'est ainsi chaque soir, cette lumière, blanche
et vive, me saisit et m’attache ä ses pas :
il suffit qu'au balcon de la nuit je me penche...
Un soir je partirai mais ne reviendrai pas.
                   VHÂ
Pour nous poètes, les épreuves de l’existence qui nous frappent au plus intime ; trahisons, mensonges, déceptions, souffrance du cœur et de l’esprit, sont autant d’épreuves, de petites morts qui nous conduisent vers la lumière jusqu’à l’épreuve finale qui nous la fera atteindre, l’épreuve des épreuves, la libération : la mort.
Alors, nous le savons, la mort n’est pas désespoir, elle est espérance, la mort n’est pas cause de chagrin mais source de joie, la mort n’est pas une fin, elle est un recommencement : le passage de l’existence à la vie.
                                                                       Vital Heurtebize
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